Le magazine L’Histoire (Le magazine de référence des passionnés d’histoire) sort un numéro spécial sur le Japon.
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L’HISTOIRE N°333
Il y a cent cinquante ans, la France signait pour la première fois un traité de paix, d’amitié et de commerce avec le Japon. Si longtemps fermé comme une huître, le pays serait-il mieux connu ? L’exotisme fin de siècle le mit à la mode (« japoniaiseries », disaient les méchants) mais les préjugés restaient de plomb. Un an après le roman de Pierre Loti, Madame Chrysanthème (1887), le critique littéraire réputé Jules Lemaître pouvait encore écrire : « Si quelque oeuvre mystérieuse et divine s’élabore ici-bas, ce ne sera jamais par eux […] ; cette race n’aura été sur notre planète qu’une floraison superflue… » Les choses étaient dites. Pays de l’exotisme absolu, cet Orient extrême fascinait mais ne pouvait rien apprendre aux Occidentaux. Même ses samouraïs, guerriers de légende, étaient un lointain décalque du système féodal français. Ce pays sous influence était aussi délicat et inutile qu’un bonsaï.
Le vrai est que l’archipel nippon a subi de lourdes influences. C’est du monde chinois qu’il a appris la riziculture et le travail des métaux, puis, à partir du vie siècle de notre ère, la cérémonie du thé, le bouddhisme, le confucianisme, l’écriture et le système impérial, avant de s’en émanciper, pour mieux se refermer sur lui-même pendant près de deux siècles et demi.
Après 1858, les choses tournèrent autrement. C’est d’Occident que viendrait le modèle : pour le meilleur et pour le pire. Pierre-François Souyri nous fait prendre la mesure de ce que fut l’extraordinaire révolution Meiji, unique en Asie : le pays se dota d’une Constitution dès 1889, après avoir décrété l’enseignement obligatoire, pour les garçons et pour les filles, en 1872, dix ans avant les lois Jules Ferry en France. L’Occident, c’était aussi la colonisation ( « Nous avons le choix entre être à la table des grands ou faire partie du menu », s’exclamait un intellectuel de l’ère Meiji) ! La militarisation, l’alliance avec les puissances fascistes — un engrenage sous la houlette d’un empereur moins manipulé qu’on ne l’a dit — qui conduisirent aux massacres de la guerre et à l’effondrement de 1945. Enfin, la démocratie. Comme l’Allemagne, le pays retrouva sa fierté dans la conquête de la puissance économique sous une tutelle américaine acceptée. Dans les années 1970, on découvrait, stupéfait, que le pays de Toyota était devenu la deuxième puissance mondiale. Une puissance qui, pensait-on cependant avec un certain soulagement, empruntait tout au monde mais ne l’influencerait pas.
Depuis le tournant du siècle, les choses changent. Kimonos, sushis, mangas et bouddhisme zen : le soft power est japonais. L’archipel est devenu le deuxième exportateur mondial de biens culturels. Sa puissance paradoxale, c’est-à-dire pacifique et à visée humanitaire, sa manière de résister aux violences d’une nature hostile, son capitalisme qui a choisi d’intégrer l’homme dans le système de production : finalement le Japon a peut-être inventé le XXIe siècle.
Au sommaire de ce numéro
AU LECTEUR
Ils ont inventé le XXIe siècle
SPÉCIAL JAPON
L’archipel en sept images
Le paysage des extrêmes
Une civilisation sans agriculture
Le Japon est-il chinois ?
Écriture, mode d’emploi
Le temps des samouraïs
Pour en savoir plus
Tout se joue à Sekigahara
Le Japon ne sera pas chrétien
Du poisson et du riz
Deux cents ans de fermeture ?
Naître, vivre et aimer à Edo
Pour en savoir plus
La révolution Meiji
1889, la première Constitution
France, mon amour
La Corée, perle de l’empire
Massacres dans le Pacifique
1937–1941, la grande offensive
Criminels à la barre
Soumises, dit-on…
La vérité sur le « miracle » économique
Le manga, enfant de la Bombe ?
La gloire de Miyazaki
La puissance paradoxale
Connaissez-vous les Nippo-brésiliens ?
Lexique
D’Aïnou à zen
Chronologie
10 000 ans d’histoire